1 juin 2007

Les Alpes Albanaises

VENDREDI 1er JUIN


De Valbonna à Thèt par le col de Valbonna et retour

A 4h30 je me prépare un copieux petit dej et dans un sac de toile léger j’emporte ravito ,altimètre boussole,appareil photo et parka.Les chaussures de montagne que je transporte depuis un mois vont enfin servir .
Je retrouve en bas Hadjet ,mon guide qui ,un peu embarassé me tend un papier où est écrit 20 euros .C’est le prix de la course.Je n’ai jamais pris de guide de ma vie et cette première en Albanie ne me déplait pas car je ne suis pas sûr de réussir seul ce parcours en une seule journée.Je me dis qu’en France cette somme est dérisoire et que ces braves gens ont bien besoin d’argent frais en complément de leur vie en semie autarcie
La mère d’Hadjet s’active dans le cabanon pour m’allumer un grand feu et me prie de m’asseoir pour déguster un café Turc .


                      Hadjet ,mon guide



La longiligne silhouette de Hadjet me précède portant un minuscule sac à dos .Pour rejoindre le village de Rrogam nous empruntons la pelouse puis le large lit de la rivière assèchée et franchissons quelques gués.




Le village de Rrogam ,lui aussi éparpillé est constitué de ‘kullas’ constructions au raides
toits couverts d’ardoises de bois.

Dans un rétrécissement,un chien de Kangal nous refuse le passage en aboyant furieusement.Hadjet l’excite un peu plus en ouvrant et fermant son parapluie puis brusquement l’ouvrant en grand, le charge.Le chien ,humilié doit battre en retraite.
A 9h de son sac à dos  il  sort une galette de pain qu’il fend dans le sens de l’épaisseur et m’en tend un morceau.Dessus il pose une motte de fèta et une autre de beurre maison.Tout est frais  excellent et je réalise la chance que j’ai de vivre des moments qui chez nous sont bien révolus.
A la source de Valbonna Hadjet se met à plat ventre pour boire.
Le sentier ,bien tracé au début se perd dans une vaste prairie à l’abandon où la flore est abondante et variée.Une trentaine de plantes sont endémiques dans le proche parc national de Thèt où vivent loups ,ours.
Dans un guide du Club alpin français de 1958 dont Luc  m’a envoyé des photocopies ,il est dit que ces animaux sont inoffensifs pour l’homme . Je n’ai vu aucun troupeau en liberté en montagne en Albanie .Au nord ouest est visible un col enneigé . Je demande à Hadjet :çafa(col) Valbonna .

Il me fait signe que non et me montre une direction plus à l’ouest. Je ne vois qu’une paroi et ne comprends pas.C’est dans cette direction que nous nous dirigeons.A gauche d’un raide couloir pierreux nous nous engageons sur une vague sente pierreuse .Il faut bientôt s aider des mains .Je vois que Hadjet hésite et finalement  nous fait redescendre.De la paroi où nous sommes engagés nous apercevons 10 mètres plus bas l’amorce d’un large chemin qui va nous conduire en 10 minutes au col.Seul je n’aurai pas eu l’idée de m’aventurer dans ce passage.Hadjet regarde mon altimètre qui affiche 1760 mètres.



Du col on peut contempler les sommets environnants mais je ne sais pas les nommer .Il doit y avoir le Jezerca point culminant de la région à 2690m.Je demande à Hadjet d’écrire les noms sur mon carnet mais il me semble qu’il a des difficultés avec l’écriture.



Sur l’autre versant il y a des pentes boisée couronnées de montagnes calcaires.
Nous commençons à descendre,quand Hadjet s’arrète et pose son sac et essaie de m’expliquer quelque chose.Je finis par comprendre qu’il ne veut pas aller plus loin .Il est 10 heures ,nous avons gravi 800 mètres et j’estime à 1700m la dénivellée totale pour la journée.
Utilisant mon dico je lui fais comprendre qu’il n’est pas question de s’arrèter là et je lui fais signe que nous partons vers Thèt .Je ne connais pas les réactions d’un Albanais contrarié et je m’attend à tout.Après 10 minutes de négociations nous repartons.
Le sentier bien tracé longe  le pied des parois sans difficultés particulières puis il descend dans une vaste hétraie.Un homme jeune avec une hache arrive de Thèt.Ils engagent conversation,s’asseoient et nous fumons une cigarette .


Aux bribes de mots connus je comprends qu’il est question de moi et de ma venue de France.Je me dis que Hadjet essaie peut être de gagner du temps ,mais non ,nous repartons à la fin de la cigarette.Un peu avant midi nous sommes en vue de Thèt,village lui aussi éparpillé au cœur de vastes alpages délaissés.


Il y a 15 ans le bourg comptait 200 habitants ,actuellement il en reste une quinzaine.L’école détruite pendant les émeutes de 1997 n’a pas réouvert ses portes.Les familles descendent passer l’hiver à Shkoder et reviennent à la fonte des neiges pour cultiver la terre.Sous le régime communiste c’était un haut lieu touristique très prisé des cadres du parti.
De là où nous sommes il reste une demie-heure de marche ,je prends quelques photos et j’annonce à Hadjet que nous attaquons le retour ,il est soulagé.
Je me demande s’il est déjà venu ici et s’il ne renaclait pas à l’idée de s’aventurer dans le village voisin.
A midi dans les alpages nous nous arrètons pour déjeuner et Hadjet pique un somme.
Quand nous repartons je vois bien que nous ne sommes pas passés par là à l’aller.
C’est difficile de lui dire qu’il se trompe.Au delà du groupe de granges abandonnées où nous arrivons il y a une gorge infranchissable.En lui montrant sur l’altimètre l’altitude du col de Valbonna je lui fait comprendre que nous devons monter sur le versant de gauche pour croiser le sentier perdu.Dans ce coin d’Europe où il y a peut-être le plus de loups et d’ours nous remontons sous couvert d’une vaste forêt de hêtres et après une heure nous retrouvons notre sentier.
De retour à Rrogan,j’essaie de photographier un troupeau de moutons que nous allons croiser .Le chien de ce matin contourne le troupeau pour venir me mordre.Hadjet d’un geste  précis et déterminé le chasse.Il parle avec le jeune berger,et assis nous fumons une cigarette.
Celui-ci parle italien et me demande pourquoi je ne suis pas resté dormir à Thèt.Je lui explique que j’ai le vélo à Valbonna.Par lui j’apprends qu’il y a environ 100 habitants à Valbonna et 30 élèves à l’école.A notre arrivée vers 17h des hommes finissent de manger sous une tonnelle .



L’un d’eux m’interpelle en italien et m’invite à venir avec eux .Je commande une bière pour Hadjet et moi .On me fait expliquer mon voyage .L’un des hommes me demande en Français « comment t’appelles-tu ? »Il a utilisé en une seule fois toute ses compétences.
Il y a une grosse ambiance .Quand ils se lèvent de table je leur propose de prendre la photo.Ils sont ravis .
Je me demande qui parmi est eux concerné par une dette de sang,qui ,au nom du Kanun a tué ou a une vie reprendre.
Je vais passer une autre nuit ici et je prends un peu de repos dans ma chambre puis je descend pour regonfler mon vélo,resserer les vis en vue de la descente de demain .Les affaires que j’avais mises à sècher sur mon vélo ont été lavées et sèchent sur le fil .
J apprécie cette attention et je remercie la mère d'Hadjet.
Je demande si je peux avoir une soupe .Ce soir c’est une soupe de riz que prépare la fille de la maison .En français elle me demande « vin? »j’aquiesce et 10 mn plus tard elle revient avec une bouteille bouchée.Aux 3 assiettes de soupe succèdera une salade copieuse.
Assise au coin du feu dans la semi pénombre la jeune fille est maintenant occupée à une broderie.
Quand Hadjet et Bajram son père reviennent je leur montre les photos du jour ;ils ont ravis et commentent les lieux qu’ils connaissent
La fille nous prend en photo Bajram,Hadjet et moi .



La traditionelle hospitalité Albanaise est bien une réalité

1 commentaire:

  1. Très beau récit que le votre !
    je connais assez bien l'Albanie, mais pas encore la partie la plus septentrionale... ça m'a donné envie d'y aller !

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